Hambourg : Park Fiction, un parc né d’une fiction collective

À Hambourg, au milieu des années 1990, un projet de front de mer devait remplacer les friches portuaires par des immeubles de standing, dans le quartier populaire de Sankt Pauli. Mais les habitant·es, qui voulaient garder la vue sur le fleuve, un espace de liberté et un lieu de vie, s’y sont opposé.e.s. Un groupe d’habitant·es, d’artistes et de militant·es s’est donc organisé et a proposé un projet de parc public imaginé collectivement : le Park Fiction. Il s’agissait d’inventer une autre fiction urbaine, un récit où les habitant·es peuvent imaginer et proposer une alternative à la planification urbaine.

Pendant plusieurs années, le collectif a produit un plan d’usage poétique et politique. Dans les ateliers ouverts du quartier, les habitant·es ont déposé leurs idées dans des “boîtes à souhaits”, dessiné des maquettes et rempli un Wunscharchiv, une “archive des désirs”. Les enfants aussi ont participé : l’idée d’“île aux palmiers” est devenue, quelques années plus tard, la Palm Island, au cœur du parc. Certaines propositions n’ont jamais vu le jour, comme la “Woman Pirates Fountain”, une fontaine imaginée pour célébrer les figures de femmes pirates, symbole d’émancipation et de résistance. Mais ces fictions, même irréalisées, ont façonné l’imaginaire du lieu.

Le parc a finalement été inauguré en 2005 : un lieu hybride, entre art et urbanisme, qui reflète ce que les habitant·es voulaient préserver : une vue, un lieu de vie partagé, un droit au commun.

Aujourd’hui, le Park Fiction est devenu un symbole à Hambourg, un espace de rassemblement, de solidarité et de luttes : en 2013, il a pris le nom de Gezi Park Hamburg en soutien aux mobilisations d’Istanbul. Le collectif du parc, toujours actif, continue de défendre cet esprit contre la surveillance, la privatisation et la normalisation des usages.

Mais cette fiction a aussi ses ambiguïtés : le parc a contribué à rendre Sankt Pauli plus attractif et plus cher. Faire la ville autrement ne suffit pas : il faut aussi garder les conditions sociales de cette altérité.

“Le vrai parc, ce n’est pas seulement la pelouse ou les palmiers.
C’est la possibilité de décider ensemble de ce qui pousse.”
Park Fiction Initiative, Hambourg

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