La Fábrica à Buenos Aires : habiter, décider, construire ensemble

À Buenos Aires, dans le quartier populaire de Barracas, une ancienne usine textile s’est transformée en coopérative d’habitation autogérée. Le projet de la Fábrica est porté par le Movimiento de Ocupantes e Inquilinos (MOI), pionnier de l’habitat coopératif en Argentine.

À la fin des années 1990, alors que la crise économique frappe durement la ville, des familles sans logement occupent des bâtiments vides. De ces occupations naît un mouvement : celui du droit à habiter. Avec l’adoption de la Loi 341, Buenos Aires ouvre un cadre légal pour financer des projets autogérés. Des coopératives peuvent acquérir, réhabiliter et gérer elles-mêmes leurs logements.

C’est dans ce contexte que La Fábrica voit le jour dans une usine désaffectée.

Chaque coopérateur·rice investit du temps, des efforts et une part de capital, tandis que le programme public apporte un soutien légal et technique.

Le fonctionnement de la coopérative repose sur une assemblée générale hebdomadaire, où toutes les décisions sont débattues et votées collectivement. Des commissions de travail (construction, finances, entretien, vie communautaire) assurent le suivi au quotidien et rendent compte à l’ensemble du groupe. Les habitant·es ne sont ni locataires ni propriétaires : chaque membre détient une part sociale de la coopérative, qui lui garantit un droit d’usage sur un logement sans possibilité de revente individuelle. Ce modèle empêche la spéculation et garantit la pérennité collective du projet, au-delà des parcours individuels.

Dans cette coopérative, les habitant·es étaient pour la plupart logé·es par le MOI dans un programme transitoire et avaient des conditions de vie très précaires. Ce projet est principalement porté par des femmes à la tête de familles monoparentales, et c’est un collectif quasi-exclusivement féminin qui a géré les travaux, l’organisation du chantier, le choix des matériaux et le dessin des aménagements intérieurs. Sans que ça soit un désir explicite de leur part de fonder un collectif féminin, elles avancent que l’intérêt qu’elles apportent à leur qualité d’habiter, ainsi que la volonté d’acquérir ces nouvelles connaissances, les ont poussées à s’impliquer dans la construction.

Elles ont ainsi utilisé la forme de l’usine pour construire une cour centrale devenue le lieu de vie commune de la résidence : espace de rencontres, d’échanges, d’ateliers, où les enfants jouent sous une surveillance facilitée de leurs parents. Elles ont également pensé des intérieurs modulables, et la possibilité facilitée d’échanger les logements entre les coopérateur·rices selon les différentes évolutions des configurations des familles.

“Habiter, c’est construire avec ses mains, décider ensemble, et ne pas être expulsé·e de sa ville.” - MOI, Movimiento de Ocupantes e Inquilinos

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